• Obscurité

    Le 15 mars, 14h09

    La nuit avance... cette fois je la perçois.
    Je vascille entre l'émotion de ces petits colis déposés chaque jour par mon père et les documents sur lesquels j'avance.
    Pour la première... je fus envahie d'une déferlante de frissons... ce père ayant la clé de la porte d'entrée dépose chaque jour dans l'armoire du palier un casse-croute agrémenter de friandises... il a peur de mon poids... jamais je ne l'avais vu agir de la sorte... j'ai beau lui confirmer que je mange, la balance ne bougeant toujours pas, il me gave... intéressé ou pas peu m'importe... le geste me touche.
    En découvrant des Doritos dans le paquet délicatement déposé je souris et m'émeus de cette pensée... il veut me revoir remplie de formes et d'énergie.
    Je l'admire pour ce geste de respect, car sachant que je ne souhaitais ni le recevoir ni ne me sentais capable de parler, il honore ce silence.
    Chaque jour, vers treize heures, je l'entends enfoncer doucement la clé dans la serrure et poser avec autant de précaution les quelques mets qui pourraient m'aider à redécouvrir mon corps.
    Je trouve cela beau...
    Quant au reste... c'est-à-dire le rassemblement de tous mes documents et de leurs annotations, cela me dégoûte et m'enchante...
    C'est triste.
    Dans ses courriels d'aurevoir je dus souligner toutes les phrases clés... elles sont belles... sans doute ne les avais-je jamais lue ainsi...
    Elles résument et expriment tout sur ce que je pouvais m'interroger.
    Je pris le téléphone... composai le numéro que je donne parfois machinalement à la place du mien ayant désormais le même préfixe... et raccrochai avant le retentissement de la première sonnerie...
    Je ne peux pas.
    C'est vicieux, je perçois dans ses mots toute sa tendresse, pourtan,t si j'accepte de le revoir dans les conditions que nous partageons depuis des mois... elles en demeureront ainsi de nombreux autres.
    Je ne peux pas.
    C'est triste quand on s'aime... tout au moins quand on aime.
    Je sais que je n'ai que deux choix solutions de survie...
    Je n'en apprécie aucune.
    Mais n'ayant plus confiance... une seule s'impose.
    Confiance en lui... confiance en moi...
    Je ne sais pas.
    Je constate juste l'étendue des dégats et m'engouffre malgré moi dans cette phrase “je t'ai assez détruite, je t'ai brisée, (...),je dois te quitter même si ce sera toujours avec des regrets.”
    J'ai envie de hurler, de gueuler... de le prendre... de l'empoigner... de le secouer... de l'embrasser aussi.
    Mille fois il me répète m'avoir fait perdre plus de deux années... m'avoir abîmée... qu'il doit s'isoler et se mettre des garde-fous pour ne plus jamais blesser...
    De la connerie tout cela... si j'ai trinqué deux années et que nous nous aimons tant, autant prendre six mois pour me réparer... ainsi les deux années ne seront pas gâchées... et encore moins volées...
    Cependant il ne le voit pas ainsi... nous n'avons pas souvent eus les mêmes lunettes.
    Se battre pour son coeur... il n'a jamais fait ça... il ne sait pas... même s'il voulait... sa timidité, son manque d'assurance le freinerait et l'empêcherait de toute démarche.
    Je dois zapper... ce n'est qu'un coup de blues passager... je dois me résoudre à l'autre... à l'autre vie... à l'autre moi.
    Pourtant tous ses mots d'amour... toutes ses phrases de tendresse... tous ses cris de détresse surtout, résonnent en moi...
    Ils m'arrachent trippes et boyaux.
    Oui... mon B. m'est toujours viscéral...
    Pourtant... son sang ne coule plus dans mes veines... sa peau n'est plus mienne...
    Malheureusement, je suis consciente que je ne supporterais plus sa douceur contre mon sein et ni qu'elle m'offre sa fragrance...
    Je suis lassée... vide... amorphe...
    Le temps ne me semble plus long... les journées ne paraissent plus des éternités...
    Au contraire... elles défilent avec trop de rapidité et ne me laisse qu'une frustration d'inachevé... l'envie l'obligation d'honorer au plus vite le cahier des charges.
    Tout formater... tout aseptiser... m'anesthésier...
    Ne plus sentir... ne plus réfléchir...
    Ne plus aimer...
    Juste profiter des compétences que je me découvre, de partager quelques belles amitiés et de grandir... de devenir à mon tour un automate en acier sans coeur... sans pitié.
    Tous les bouffer... tous les épater... les blesser d'une arrogance permise... les faire crever d'envie d'une vie d'handicapée puisqu'ils ont décidé de me nommer telle.
    Oui... tous les terrasser sans remors ni regrets... tous les achever, tous les mépriser et ne laisser que ma fragilité et mas balbutiements d'humanité aux gens que j'apprécie... aux amies... aux passants... aux gens différents.
    Ne plus me donner mais être méritée...


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